La scolarisation, l’éducation et la formation sont à la fois une nécessité et une contrainte pour l’évolution des pays en développement, car le développement durable exige l’accès au savoir et à la culture moderne et technologique. Le propos de notre recherche est de comprendre le vécu de la scolarisation des filles en Afrique subsaharienne à travers l'analyse de leurs récits biographiques. Cette recherche porte sur trois questions à propos des filles dans l'enseignement supérieur en Afrique subsaharienne: (1) Quelles trajectoires suivent les filles en Afrique subsaharienne pour devenir des étudiantes universitaires? (2) Quel rôle jouent les représentations sociales et la résilience dans le vécu des filles pour atteindre le niveau universitaire? (3) En se fondant sur des récits biographiques fournis par des étudiantes universitaires subsahariennes, quels facteurs, de risque ou de protection, semblent déterminants pour réussir à atteindre le niveau universitaire? Pour répondre à ces questions, nous avons constitué un corpus de 23 récits biographiques. L'analyse du contenu de ces récits a été effectuée à l'aide d'Alceste, un logiciel d'analyse de données textuelles. Alceste a traité chaque mot dans les 23 récits, puis a exécuté une analyse factorielle de ces mots. L'avantage de cette méthode d’analyse est de permettre au chercheur de découvrir des dimensions cachées au sein de la masse de données analysées. Trois classes de mots ont émergé de cette analyse factorielle. Les trois classes ont été croisées avec les 23 répondantes. L'analyse des tableaux croisés a révélé trois types d'étudiantes universitaires résilientes, selon leur trajectoire scolaire: la battante, l'assistée et l'héritière. En nous fondant sur: (a) les récits des étudiantes, (b) les trois classes produites par le logiciel Alceste, et (c) les tableaux croisés, nous avons tracé trois portraits-types d’étudiante. La trajectoire de chaque type d'étudiante met en présence et en interaction diverses variables sociologiques et individuelles: milieu socio-économique, milieu familial, contexte rural-urbain, âge, obstacles, échecs, redoublements, succès. La scolarisation des filles augmente plus rapidement en milieu urbain qu'en milieu rural. Chez les battantes, la scolarisation est vécue dans le sacrifice, la souffrance et l'impuissance. Chez les assistées, elle avance grâce à des contacts et un réseau d’opportunités. Chez les héritières, elle débute dans la tendre enfance et progresse rapidement. Dans leurs récits, les informatrices emploient des mots qui traduisent les disparités, les variations, les dynamiques et les détours dans leurs trajectoires scolaires. Les contextes, les lieux, les événements, l’âge et la fratrie affectent les trajectoires de différentes manières. Néanmoins, toutes les filles sont motivées à atteindre l’enseignement supérieur. L'entrée précoce à l'école, que l'on retrouve à la ville plutôt qu'à la campagne, est au nombre des facteurs de protection qui contribuent le plus à la scolarisation des filles au niveau universitaire. Un autre facteur de première importance est la scolarité des parents: les parents instruits ont de meilleures chances de voir leurs filles, des héritières, persévérer dans leurs études. Chez les battantes et les assistées, les facteurs de protection individuels sont décisifs: avec relativement peu de moyens financiers et d'appui familial, ces filles doivent se débrouiller et concevoir des solutions inédites afin de triompher de l'adversité. On note, en particulier, le courage et l'esprit combatif des battantes, de même que l'aide et le soutien d'un réseau procuré aux assistées. Cependant, l'effet de tous ces facteurs n'est pas le même dans les divers contextes familiaux, sociaux et institutionnels. Au delà de ce que nous avons mis en lumière au sujet des battantes, des assistées et des héritières, il reste encore beaucoup à découvrir au sujet de la fréquentation et de la persévérance scolaires des filles en Afrique subsaharienne. Depuis la Conférence de Jomtien en 1990, diverses mobilisations ont porté fruit et facilité l'accès des filles à l'école. Notre recherche auprès d'étudiantes universitaires en Afrique Subsaharienne montre que toutes ces filles font preuve de résilience, et que les moyens et solutions pour atteindre l'enseignement supérieur sont spécifiques à chaque fille.