Ce mémoire porte sur les enjeux identitaires soulevés par la représentation des violences postcoloniales dans les littératures africaines francophones contemporaines. Postulant une resignification des violences et la formulation d'une nouvelle condition d'exilé depuis la fin de la guerre froide, avançant également que les auteurs africains francophones contemporains sont sensibles à ces déplacements de sens, il vise à s'inscrire dans les discussions qui animent les critiques depuis près de deux décennies et qui tentent de désigner les contenus d'une novation chez ces mêmes auteurs.
Cela étant posé, ce mémoire limite son champ de recherche à deux romans écrits par un des auteurs africains francophones contemporains des plus prolifiques et des plus reconnus. Il s'agit des deux premiers romans de Kossi Efoui : La Polka (1998) et La fabrique de cérémonies (2001). La lecture de ces œuvres procède en trois études. La première s'intéresse aux effets structurants des violences postcoloniales sur des corps sans nom ni voix, sur des êtres réifiés et confinés à des représentations figées. Elle est à l'amorce d'une réflexion sur les modes de communicabilité tels qu'articulés au carrefour des quêtes subjectives des personnages. La deuxième étude appréhende les représentations des processus mémoriels et collectifs qui se traduisent par une quête de l'unicité, de l'identique, de la continuité et de la permanence. Cette quête participe d'un processus de marginalisation des récits de vie et de condamnation des histoires à une chaîne signifiante instrumentalisée. Cette étude se penche ainsi sur l'écriture de ces processus dans son rapport avec le pouvoir, la mémoire, l'histoire et les relations intersubjectives. La troisième étude prend l'exil pour paradigme critique. Chez Efoui, les représentations de sujets exilés nous portent au cœur de tensions entre l'apparente mobilité des frontières et les violences postcoloniales qui dénient leur modulation selon les expériences subjectives et collectives des personnages. Cette dernière lecture porte donc sur la configuration d'interstices ainsi que sur les figures marginales, liminaires et transitoires qui investissent l'espace et le temps du récit à la fois pour reprendre leurs droits sur une parole usurpée et pour échapper aux déterminismes auxquels ils sont soumis.