Dans cette recherche, nous visions a comprendre comment des femmes issues du secteur informel et parties de presque rien, ont reussi, en utilisant les logiques d'organisation traditionnelles, a developper des activites qui leur ont permis, non seulement de resoudre leurs problemes socio-economiques, mais aussi de renforcer leur statut et d'accroi tre leur pouvoir au sein de la famille et de la communaute. L'objectif etait moins d'evaluer le niveau de reussite de ces femmes que de comprendre, dans une perspective d'intervention sociale, les logiques qui sont a la base de leur modele d'organisation.
Les theories du developpement et l'analyse du genre ont ete le fil conducteur de cette etude. Sa methodologie s'inscrit dans une approche qualitative, avec comme outils des recit de vie et l'observation participante. Pour apprehender les processus et les mecanismes du changement, nous avons cerne le contexte socioculturel et economique. Les resultats montrent comment la production de solidarites a ete l'element decisif de cette reussite. C'est grace a la destruction des structures lignageres en milieu urbain et a la production de solidarites nouvelles que les femmes ont obtenu une plus grande autonomie. Exclues dans leur majorite du credit bancaire, leurs organisations leur ont permis d'obtenir leur independance economique. Cela a entrai ne dans les rapports sociaux au sein de la famille, mais aussi des mutations dans les rapports avec le religieux et le politique. Elles sont maintenant a la recherche de structures financieres institutionnelles adaptees a leur situation. Les premiers balbutiements des caisses d'epargne et de credit sont prometteurs.
Les logiques d'organisation des entrepreneures ouvrent des perspectives pour le service social, car elles reconcilient l'economie et le social. Cela nous a conduit a reexaminer les besoins en service social et les politiques sociales dans un contexte de pauvrete massive, pour voir comment mettre en place un modele d'intervention sociale qui serait une alternative aux pratiques de service social en cours. Les conclusions de cette etude montrent que les politiques sociales et le service social dans un contexte de pauvrete massive ne peuvent se faire sur la base d'une logique d'Etat-providence, mais d'integration et de participation des acteurs au systeme economique. Il ne s'agit plus de produire de l'aide sociale, mais d'arriver a ce que les communautes puissent produire de maniere satisfaisante les conditions de leur existence. L'apport de cette recherche se situe au niveau de l'innovation de l'objet de recherche qui ouvre des perspectives de decloisonnement du champ de la recherche en travail social. En termes d'intervention, elle demontre la pertinence de passer par l'economique pour assurer une meilleure participation sociale des pauvres, grace a des organisations qui s'appuient sur la reciprocite positive; ce qui n'est pas le cas des politiques sociales liees a lEtat-providence. Elle invite aussi a une reflexion sur la necessite d'une autonomie de la pensee dans l'approche genre et les politique sociales pour un pays comme le Senegal. Elle a permis de montrer l'importance de l'eclairage anthropologique pour asseoir des politiques sociales et des interventions ancrees dans la culture.