Cette recherche reconsidère le lien présumé entre la diffusion de messages pro-génocide à la radio et la progression du génocide rwandais de 1994. Nous avons voulu mesurer ce lien de sorte à évaluer cette relation causale. Pour ce faire, le nombre quotidien de morts au niveau de la préfecture et la progression de la nature du contenu radiophonique ont été analysés afin d'évaluer l'effet de la seconde sur le premier. Le premier constat soulevé est qu'il existe une forte variation dans la progression du génocide d'une région du Rwanda à l'autre. Or, comme la diffusion radiophonique est uniforme sur le territoire, une relation causale simple est à rejeter.
Cependant, bien que la progression des deux variables ne concorde pas dans certaines régions, certaines concordances intéressantes apparaissent tout de même dans d'autres, pour un type précis de contenu radiophonique. En effet, si nous ne considérons que les cas où des directives directes sont données à la radio (ce que nous avons appelé «directives tactiques ») nous constatons qu'elles décroissent avec le taux de mortalité pour six des onze préfectures recensées. Pourtant, pour certaines autres préfectures cette concordance est inexistante et nous faisons l'hypothèse que l'influence de facteurs contextuels a annulé l'impact médiatique. Bien sûr, cette recherche est limitée parce qu'elle ne tient compte que du nombre de morts. En tenant compte d'autres éléments constitutifs de génocide qui n'impliquent pas nécessairement le meurtre il est possible qu'un effet médiatique apparaîtrait plus clairement.