Cette thèse porte sur la relation entre la conception que les acteurs locaux se font de l'évaluation et l'utilisation qu'ils font des conclusions. Face au déficit d'utilisation des évaluations, les chercheurs ont pointé du doigt le manque de participation des acteurs au processus de l'évaluation des programmes. Le discours sur le sujet est devenu récurent au fil des années dans le domaine de l'aide au développement. Nous pensons, pour qu'il y ait une propension à la participation des acteurs locaux, que ce soit le gouvernement, l'administration centrale ou les gestionnaires, qu'il faut que ces derniers comprennent ce qu'est l'évaluation et la situent parmi les divers outils de gestion qu'ils utilisent (audit des comptes, inspection des finances, contrôle financier). Malheureusement dans cette perspective, peu de recherches sont faites en ce qui concerne l'aide publique au développement. La présente thèse porte sur les évaluations de l'aide. Elle cherche à montrer que la conception que l'acteur local se fait de l'évaluation est un déterminant de la propension à sa participation à l'évaluation et par conséquent de l'utilisation des conclusions de ces évaluations. La recherche porte sur le cas de l'aide publique de la Banque mondiale au Burkina Faso. Cette institution est le premier bailleur des pays en développement en termes de nombres de programmes financés et de montants engagés. En 2008 (date de la collecte des données), elle finançait 17 projets au Burkina Faso avec un engagement financier fort d'environ 550 millions de dollars (soit un ratio aide publique au développement sur Produit intérieur brut de 12, 94 %).
La stratégie de vérification relève de deux modèles combinés. Nous tirons les conceptions de l'évaluation de Jacob (2005) qui donne trois finalités à l'évaluation (le management, la connaissance et le contrôle) et le niveau de participation de Daigneault et Jacob (2009) qui est basé sur trois dimensions (la diversité des acteurs, l'étendue de leur participation et la répartition du pouvoir de contrôle des décisions techniques). Quant à l'utilisation, elle est comprise dans cette thèse comme l'exploitation des conclusions des évaluations. Nous la conceptualisons à travers les modes traditionnels d'utilisation des résultats (instrumentale, conceptuelle et politique) et l'utilisation du processus. Pour tester nos hypothèses de recherche, nous avons utilisé des données concernant sept projets ou programmes issus des secteurs de la santé (2), de l'éducation (2), de l'agriculture (2) et du Premier ministère (1). En plus de ces projets, nous avons pris en compte les données concernant l'appui budgétaire. Les différentes données ont été recueillies à travers les rapports d'évaluation de ces projets (n=29), des questions fermées et des entrevues semi-dirigées (n=29). Les questions et les entrevues ont été adressées au personnel du circuit de l'aide budgétaire au Burkina Faso. Tous les rapports et entrevues ont été lus et codés à travers le logiciel QDA.miner.
Les résultats de la recherche montrent que la conception contrôle et cognitive sont associées à la participation des acteurs. En ce qui concerne rutilisation, seule la conception managériale est associée à rutilisation du processus contrairement à l'utilisation des résultats qui ne dépend ni de la participation ni de la conception des acteurs. Elle reste une conditionnante pour la continuité des programmes. Les conclusions de la thèse montrent également que les personnes concernées par rutilisation du processus dans le cadre de la conception managériale sont des agents des projets. La disparition des cellules de projet à la fin de chaque projet expliquerait ainsi le peu d'impact des évaluations sur l'efficacité de l'aide au développement.