Au début des années 1990, après plusieurs décennies de régimes de parti unique et de juntes militaires, la plupart des pays africains ont (r)établi le système multipartite. Des dizaines de partis politiques sont créés ou reconstruits avec l'objectif précis d'accéder au pouvoir exécutif suprême. Cependant, environ deux décennies plus tard, peu de ces partis ont atteint leur objectif de conquête du pouvoir. En effet, sur 73 cas de changements pacifiques de leaders en Afrique entre 1990 et 2008, seulement 18 ont bénéficié aux candidats présentés par les partis politiques de l'opposition. Ce nombre semble décevant par rapport aux immenses espoirs de « véritable alternance » que ces partis politiques ont suscitée au début de la décennie 1990. Cette thèse s'emploie à esquisser des éléments de réponse à cette situation dans la période allant de 1990 à décembre 2008.
Afin d'approfondir l'analyse sur cette question, les cas du Bénin, du Ghana et de la Guinée ont été choisis pour mener une étude comparative. Il est vrai qu'il y a eu trois alternances au pouvoir exécutif au Bénin dans la période visée. Mais tous les présidents élus étaient des« candidats indépendants ». La Guinée n'a connu aucune alternance dans la période sous examen, ni de personnalités, et encore moins de partis. Le Ghana est donc le seul pays, parmi les trois, où il y a eu deux alternances au pouvoir par un parti politique de l'opposition. Ceci problématise la situation et conduit à la question suivante : comment expliquer la réussite de deux partis d'opposition au Ghana et l'échec de leurs homologues dans les autres pays à conquérir le pouvoir exécutif?
Pour répondre à cette question, il a fallu retracer l'historique et l'évolution du multipartisme et des élections dans les trois pays, analyser leur environnement politique et institutionnel par rapport à la compétition politique, et porter un regard critique sur les stratégies notamment des leaders de l'opposition dans leur quête pour le pouvoir.
Cette démarche a permis d'avancer l'hypothèse suivante : l'alternance au pouvoir par un parti d'opposition n'est possible que dans un système bipartisan ou bipolarisé, quoique la satisfaction de l'une de ces conditions ne soit pas suffisante. Les exceptions à cette observation sont rares en Afrique et sont le résultat d'une rare combinaison de circonstances particulières. Le Ghana a un système bipartisan. Le système bipolarisé est un bipartisme ad hoc créé grâce à la formation d'une coalition des principaux partis d'opposition. Les paysages politiques béninois et guinéen sont caractérisés par une prolifération de partis politiques qui ont jusque-là échoué dans leurs tentatives de former une véritable coalition électorale contre les partis au pouvoir. Le bipartisme relève de l'environnement institutionnel, et la bipolarisation des stratégies des leaders politiques, d'où notre recours aux approches néo-institutionnelle et stratégique (choix rationnel) comme cadres théoriques.