Vécue comme l’une des plus grandes crises qu’a connue notre génération, la propagation du virus du SIDA est une urgence mondiale sans précédent, notamment en Afrique sub-saharienne où vivent la grande majorité des individus séropositifs. Dans un contexte où aucun vaccin n’existe encore et où les traitements sont onéreux et peu accessibles, les campagnes d’information sur le virus et l’acquisition de connaissances sur les méthodes de prévention, notamment à travers les programmes scolaires, sont cruciaux. La scolarisation est souvent vue comme la solution pour enrayer la propagation du virus et plusieurs études effectuées en Afrique sub-saharienne ont effectivement montré que les individus scolarisés étaient souvent les mieux renseignés sur le VIH/SIDA et son mode de propagation. Au Cameroun, pourtant, la partie de la population qui est la plus touchée par la séropositivité est aussi la plus instruite. C’est sur cet apparent paradoxe que se penche la présente étude. Cette recherche explore les différents facteurs qui sous tendent la relation positive entre le niveau d’instruction et la séropositivité au Cameroun en analysant les données de l’Enquête Démographique et de Santé (EDS) de 2004. Les résultats des analyses bivariées montrent que plus le niveau d’instruction des hommes et des femmes camerounais augmente, mieux ces derniers sont informés sur le VIH et ses modes de transmission. Malgré cet avantage au niveau des connaissances, l’analyse confirme un lien positif entre le niveau d’instruction et la séropositivé fort et statistiquement significatif parmi les femmes camerounaises, mais non significatif chez les hommes. Les résultats des analyses logistiques hiérarchiques suggèrent que c’est une combinaison de facteurs qui explique pourquoi les femmes les plus scolarisées sont aussi les plus touchées par le VIH/SIDA. Le fait qu’elles aient un profil sociodémographique différent (qu’elles soient plus jeunes et plus riches notamment), et qu’elles soient plus urbaines que leurs consœurs moins scolarisées, mais surtout qu’elles aient un temps d’exposition au risque hors union plus long et un nombre de partenaires plus élevés exposent davantage les femmes les plus scolarisées au virus.